La cigarette et ses paradoxes
"Laissez-moi ma cigarette, ça me permet de vivre, de supporter ma vie". Elle embrasse son paquet. Attachement irrationnel, bien sûr et c'est pourquoi l'arrêt de la cigarette ne peut se faire avec l'aide de la volonté. C'est avant tout une affaire de cœur, une relation avec soi, avec l'autre, une relation avec le manque affectif, une sensation d'isolement à combler, un conditionnement psychologique.
Vouloir arrêter de fumer ne sera donc pas un acte de volonté.
Prendre une cigarette pour la première fois dans sa vie est un geste plus ou moins conscient, lié à une perception du groupe, du désir de s'affirmer contre quelque chose, contre quelqu'un. C'est sans nul doute un premier acte inconscient, ce qui veut dire qu'il est pris dans un nœud inextricable de sensations, de désirs, de manques, d'insatisfactions, de souffrance, d'angoisse. Pour de nombreux jeunes, fumer c'est se sentir virils, adultes. Et Le nombre de fumeuses a augmenté considérablement : une manière de rivaliser avec la gente masculine.
Avez-vous vu le personnel soignant sur le trottoir de l'hôpital, respirant avec plaisir, voire délectation la fumée de leur cigarette ? Paradoxe, n'est-ce pas ?
En effet la nicotine dans quelques secondes va calmer le stress, la nervosité, l'angoisse et donner un sentiment d'être en pleine possession de ses moyens, En quelques bouffées elle apporte une sensation de paix, de relaxation. Elle efface par magie le stress du travail, sa pénibilité.
Aujourd'hui plus que jamais, sortir une cigarette interpelle l'entourage. C'était pour les jeunes un acte d'affirmation d'une certaine indépendance, c'est encore cela à l'âge adulte mais plus encore une affirmation provocatrice de soi face aux dictats d'une société qui a enfin compris que la cigarette tue inexorablement, que le gâchis de ces vies top tôt coupées est une catastrophe humanitaire et a perdu pour la trésorerie de l'état son intérêt financier.
Oui, la cigarette tue. Tout le monde le sait.
FUMER TUE : ce n'est pas cet argument qui fera arrêter le fumeur ni le fils de celui qui succombe d 'un cancer de la gorge. " Il faut bien mourir de quelque chose " disent les incorruptibles. " Oui , je fume , mais j'y prends du plaisir , je fume mais ma vie ne vous regarde pas , je fume à la barbe de la société qui nous enferme dans des fumoirs ghettos où nous nous retrouvons entre quelques-uns à partager " notre délire " , notre addiction " comme disent ceux qui veulent nous formater . "
Les héros de la cigarette, nous en connaissons quelques-uns. Les plus célèbres, peut être, sont les cow-boys de Marlboro. Quelle allure ! Quelle virilité ! Aussi ils n'ont pas connu l'ostéoporose, les déficiences neurologiques de toutes natures, l'AVC, la déchéance morale et physique. Connaît-on les affres de leur calvaire en phase terminale ? Non. Tout est fait pour nous épargner les conséquences horribles de leurs cancers pulmonaires.
Alors, qu'avons-nous comme outils, nous, hypnothérapeutes qui utilisons l'hypnose ericksonienne pour faciliter l'arrêt du tabac?
La première question que l'on nous pose :
-" est-ce vrai ? On peut arrêter de fumer avec l'hypnose " ?
-" Oui, c'est vrai. "
-" Alors, c'est magique ? Ça me fait peur ! "
Qu'est-ce que l'hypnose ?
L'état hypnotique est un état naturel. L'hypnose est un phénomène perceptible par tous. Chacun en fait l'expérience quand il lit un polar captivant, quand il voit un film émouvant, quand il est plein d'émotions pour le héros de l'histoire et oublie le monde autour de lui. Qui ne s'est pas évadé dans son esprit en écoutant un cours fastidieux ? Qui n'a pas changé de route sans s'en rendre compte ?
Nous ne sommes jamais tout à fait présents. Nous faisons beaucoup de choses sans nous en rendre compte. N'avez vous jamais oublié une cigarette dans un cendrier alors que vous veniez de l'allumer ?
Acceptons une partie de nous -mêmes : notre inconscient fait de nos habitudes, de nos croyances infantiles, de nos conditionnements, de nos références est toujours présent. Grâce à notre inconscient, nous avons des intuitions, des émotions qui nous surprennent par leur intrusion dans notre routine quotidienne. Pour vivre plus heureux, il est nécessaire de faire confiance à cet inconscient, réservoir de nos savoirs et de nos ressources " insoupçonnées " qui se réveillent et nous étonnent. Pour y accéder, acceptons de lâcher prise. Que risque-t-on ? Il y a toujours en nous un gardien du seuil, en alerte pour notre survie, qu'on peut nommer " l'observateur caché ", une partie de notre Moi qui reste vigilant pendant la séance. Car vous ne dormez pas, vous êtes dans un état privilégié à la détente, à la relaxation, au repos du cerveau, dans la sécurité et la confiance. Vous vous sentez accompagné. La présence du thérapeute et sa voix sont sécurisants. Milton Erickson disait : " ma voix vous accompagne ".
Le maître-mot : CONFIANCE
" L'hypnose, c'est une relation pleine de vie qui a lieu dans une personne et qui est suscitée par la chaleur d'une autre personne " aimait à rappeler le fondateur de l'hypnose Milton Hyland Erickson , qui exerça 50 ans en Arizona à Phoenix . Il décéda en 1980.
Vous l'avez compris : si l'hypnose est naturelle, l'hypnose thérapeutique n'est possible que mise en place par un thérapeute expérimenté ressenti comme sympathique, rassurant, bienveillant et plein de confiance envers son patient. Cette confiance alors suscite l'adhésion du patient qui ressent intuitivement les capacités professionnelles et humaines du thérapeute. D'où la nécessité pour l'hypnothérapeute d'une formation sérieuse, enrichi d'un travail sur la conscience de soi et de ses capacités réelles à tisser une relation thérapeutique.
Le miracle qui se produit c'est la force du lâcher -prise, grâce au magnétisme des personnalités, grâce à " ce feeling " inexplicable suscitée par une rencontre de personnes.
-" Moi, l'hypnose, je n'y crois pas, je suis cartésien."
Ces patients résistants que l'on rencontre encore assez souvent dans notre cabinet, ont une attitude paradoxale. Pourquoi sont-ils devant nous ? L'hypnose est un fait observable et nous les surprenons dans leur fonctionnement inconscient.
- quand vous dites : excusez-moi, je n'ai pas entendu, voulez-vous répéter ? Où étiez vous ?
- Je ne sais pas, j'ai eu l'image de mon père quand j'étais ado, une conversation que nous avons eu sur les dangers du tabac. Excusez moi, je ne l'ai pas fait exprès, c'est inconscient, ça m'a surpris, j'avais oublié cette conversation.
- Ne vous excusez pas, c'est naturel.
Cette dissociation du moment présent signe un état hypnotique qui vous reconnecte au plus intime de vous-même. Ce sont vos ressources personnelles, illogiques, irraisonnées que vous allez utiliser pour vous aider à arrêter de fumer. Et ce n'est pas un acte de volonté, c'est une autre relation à vous -même.
Le canevas d'une séance
Etes vous prêt ? Vous êtes vous préparé à une vie différente, à une nouvelle vie ? En avez vous rêvé ? Et qu'avez-vous imaginé ?
C'est alors à ce moment-là, quand le dialogue est amorcé, quand le fil d'un nouveau lien est en train de se tisser entre le thérapeute et son consultant que le rêve devient possible, que la distance entre l'agir et l'imaginaire s'amenuise et peu à peu se donne la chance de se rejoindre.
Que faut il pour que cela réussisse ?
Que faut-il à une mousse au chocolat pour qu'elle devienne sublime ? Les ingrédients sont là, mais dans quelle proportion ? Et dans combien de minutes prendra -t-elle cette finesse onctueuse et ce parfum qui donnent envie de fermer les yeux pour savourer la délicatesse de ce dessert ?
- Je ne sais pas, je n'ai plus de goût, ma bouche est sale, mon ami me dit : ta bouche n'est qu'un cendrier. Et l'odorat me manque aussi.
- Quelle est votre fleur préférée ? Respirez -la en fermant les yeux. Ressentez-vous cette profonde inspiration qui fait onduler votre corps, votre ventre, qui vous apaise. En fermant les yeux, sentez vous cette fleur de tiaré, ou ce jasmin où peut être une autre fleur que votre inconscient vous fait revivre, à votre insu, à votre surprise ?
Et quelques instants s'écoulent, qui laissent s'épanouir la fleur parfumée, qui a pris sa place dans l'intimité de cette consultante.
Laissons ces moments privilégiés qui vont redonner à cette personne une odeur de son enfance très souvent évoquée. Le silence se fait sécurisant.
Et les souvenirs affluent … évocations heureuses d'un temps où la vie était simple.
La séance d'hypnose se tisse maintenant avec les souvenirs, avec le désir d'être libéré, de vivre autrement, de changer.
L'hypnothérapeute est là pour aider le consultant à ouvrir les portes qu'il a laissé fermées, à faire sauter des verrous qui paraissaient bloqués pour la vie toute entière.
En effet, notre consultant s'était contenté de rétrécir son univers à son paquet de cigarettes, à l'espace obligatoire pour fumer, à un certain ghetto.
Ils vont sortir de cet enfermement qu'ils avaient pris pour une protection. Sortir d'une situation paradoxale et vaincre la peur du manque, la peur de perdre des habitudes, la peur de ne pas savoir comment tenir ses mains libres.
Les bienfaits de l'hypnose
Et peu à peu au cours de la première semaine, le consultant prend de nouvelles marques ; les séances d'auto-hypnose qu'il écoute quotidiennement, séances enregistrées par le thérapeute, continuent les bienfaits de la séance dans le cabinet. Chaque jour, il ressent sa poitrine s'ouvrir à l'air pur, son souffle plus profond, son plexus solaire se dénouer, sa peau purifiée, il se sent de nouveau plein d'énergie ; il reconnaît de nouveau les odeurs, les arômes de la cuisine, le parfum des fleurs, celui des personnes, apprécient la qualité de la nourriture .Ses mains ont perdu cette nervosité due au manque de nicotine ; encore quelques agacements vite réprimés puisque l'on sait d'où ils viennent. Et puis c'est fini. Quelques jours encore et le tabac est oublié. On ne sait pas quel jour, à quel moment, dans quelles circonstances l'envie a disparu. Un fait : le geste est oublié. Finies la crainte, la peur, l'angoisse. D'autres perspectives s'ouvrent. L'avenir est plein de possibles.
Des projets surgissent : un voyage, par exemple avec l'argent mis de côté pour profiter
Des plaisirs de la vie. La récompense est rapidement trouvée.
-" c'est vrai, tout cet argent parti en fumée, aujourd'hui je sais ce que je vais en faire. "
L'imaginaire est activé. Dans un état hypnotique, l'imagination se développe d'une manière étonnante. La voix du thérapeute aide cette évocation. Les mots sont choisis pour être évocateurs sans être précis : " parler flou avec précision " avons-nous coutume de dire. Plus c'est sensoriel, plus c'est efficace.
Qui est l'acteur de la guérison ?
Ce n'est pas le thérapeute qui fait le travail , c'est l'inconscient du consultant avec toutes ses acquisitions antérieures , son lâcher-prise, la confiance qu'il donne au thérapeute qui va réussir ce défi avec lui: red onner la liberté de vivre sa vie le plus longtemps possible en bonne santé .
Combien de temps faut-il pour arrêter de fumer ?
Tout est affaire de relation de confiance et amour de la vie et de l'être humain.
Le lien thérapeutique est essentiel. Il est fait de la personnalité des deux acteurs ; et l'acteur le plus important, n'est pas celui que l'on croit : c'est le consultant qui décide de monter dans le train, ce n'est pas le thérapeute qui l'y pousse.
Certes, on peut aider le consultant mais personne ne connaît le mot, l'évocation, qui vont emporter l'adhésion du consultant et annihiler sa peur de retomber dans son enfer.